La Dark Romance

Vous n’êtes sûrement pas sans connaître mon point de vue sur la Dark romance (et sur la représentation de la femme dans la fiction, en général), mais commençons par le commencement : qu’est-ce que la Dark romance ?

Il s’agit d’un sous-genre de la littérature sentimentale né aux États-Unis ; des romances interdites, telles qu’on les appelle au Canada.

Il peut y avoir des déclinaisons différentes de la Dark romance mais nous nous intéresserons ici à celle mettant en scène une victime et son bourreau.

La  Dark romance repose sur la même base simple que la romance : deux personnages, l’un(e) séduit l’autre, puis cet(te) autre se prête au jeu de la séduction. Sauf qu’ici, il n’y a point de jeu, car kidnapping et viol(s) sont monnaie courante. Pour faire encore plus simple, on frise le pathologique et la psychopathie.

La Dark romance flirte avec l’interdit bien au-delà de la légalité et la moralité, et fait croire qu’un homme violent, manipulateur, etc. peut changer, aimer et être aimé en retour.

 

DARK ROMANCE ET CULTURE DU VIOL

Pour commencer, une petite définition. La culture du viol est un concept qui établit des liens entre le viol (et autres violences sexuelles) et la culture de la société dans laquelle ces faits se déroulent.

Minimiser les faits, même dans le cadre du fantasme (en sexualité, pas en psychologie), notamment à base de « elle l’a voulu ou a aimé » et « elle ne s’est pas débattue », c’est une manière, même inconsciente, de se ranger du côté de l’agresseur.

Or, dans la Dark Romance, on est face à des attitudes et des pratiques qui tendent clairement à tolérer, excuser et banaliser le viol. Le fossé entre viol et « vrai viol » est creusé, c’est-à-dire cette différence que peut faire l’agresseur entre ce qui serait un « vrai viol » (qu’il considère donc ne pas faire lui-même, puisqu’il n’identifie pas ses actes) et ses propres agissements : puisque les actes découlent des mythes du viol fantasmé (« elle a aimé », « elle a joui », etc.), il n’y a pas eu de viol. Or, d’une part, on sait à quel point le fait qu’une victime ait pu quand même éprouver du plaisir dans un acte de viol est déstabilisant pour elle. Et d’autre part, il convient de rappeler la définition du fantasme en psychologie, qui est la manifestation consciente ou inconsciente d’un désir, ou une fixation mentale pouvant conduire à des actes excessifs.

Je l’écrivais dans mon introduction, la Dark romance se repaît d’actes moralement, mais aussi légalement répréhensibles qui sont minimisés, banalisés, normalisés. En découle la banalisation de certains concepts. La force de l’habitude, peut-être ?

 

LES QUESTIONS QUE SOULÈVE LA DARK ROMANCE

La Dark romance soulève une question essentielle, plus avant de la moralité : celle de la légalité. Ce qui gêne surtout, dans cette appellation, c’est le terme « romance », car il ne représente absolument pas ce que vivra l’héroïne. (Violences physiques et psychologiques, bonjour !) Pire, il excuse par principe le comportement de l’homme. La Dark romance se joue des lois, romantise des situations malsaines et dégradantes.

On peut aussi se dire que, oui mais au fond, les thrillers aussi, par exemple, usent des mêmes ressorts. Et je suis carrément d’accord, sauf qu’ils sont ce qu’ils sont. Ils présentent, posent les faits comme on les rencontrerait dans la vie réelle. Ce qui amène à une autre question : la crédibilité.

Je lis souvent que les lecteurs/trices de Dark romance savent faire la part des choses et ont pleinement conscience que ça se passe différemment dans la réalité. Or, oui et non. Ce genre de cas a aussi (et malheureusement) cours au quotidien, même que cela s’appelle une relation toxique. Ou pratique d’oppression. Et on n’en sort pas par une pirouette. Ce « manque de crédibilité », pire, la réaction des lecteurs/trices face à ces situations fictives (décrites dans les livres) banalisent purement et simplement les vrais problèmes : viol, enlèvement, séquestration, manipulation, harcèlement…

D’autres prétexteront que la Dark romance n’a jamais essayé de faire passer ces pratiques pour acceptables. Là encore, je suis d’accord, mais même sans le vouloir, elle change notre perception des choses, notre regard sur les violences faites aux femmes. Sans aller jusqu’à dire que les lecteurs/trices de Dark romance trouveront normales de telles situations, la confusion entre réel/non réel, crédible/non crédible semble donner une légitimité au genre. Dès lors, il faudrait m’expliquer en quoi est-ce plus dégradant de lire Sade, si souvent décrié.

 

LES LECTRICES SAVENT CE QU’ELLES LISENT

Vraiment ? J’ai pu lire plusieurs témoignages de lectrices qui ignoraient complètement dans quoi elles s’embarquaient en ouvrant un livre de Dark romance. Certain(e)s diront qu’il suffit de lire la quatrième de couverture pour se faire une idée, sauf qu’il y a une différence entre présenter un livre et le « vivre ». Lire que l’héroïne est kidnappée, torturée par l’homme dont elle tombera amoureuse ne reflète absolument pas le caractère violent, malsain et insidieux des propos et de la mise en situation. Lire une quatrième de couverture n’est pas une immersion totale dans le texte ; elle ne joue pas sur les réflexions des personnages ni sur les ressentis de la victime.

C’est là que devrait au moins intervenir le « trigger warning », car bon nombre de lectrices sont tombées de haut en découvrant la Dark romance. Elles ont pourtant lu la quatrième de couverture…

 

 

La question, ici, n’est plus tant de savoir quelles limites s’impose la Dark romance, mais jusqu’où ses lecteurs/trices l’accepteront-ils/elles et la dédouaneront-ils/elles. Le vrai problème de la Dark romance ne repose pas sur les pratiques, voire fantasmes qu’elle décrit, mais plutôt sur la manière dont ils sont amenés ; les aborder tels qu’ils ne sont pas, faire fi des pathologies susceptibles de les provoquer, de les aggraver et d’impacter de graves séquelles physiques ou morales. Le problème n’est pas de traiter ces sujets, mais les moyens employés et d’en faire un genre à la mode. Le problème, avec la Dark romance, c’est de se fourvoyer en se disant que ce n’est qu’un livre.

 

Edit : Cet article fait mention de textes qui prônent la romance au détriment des conséquences émotionnelles et psychologiques sur les victimes, mais d’autres, au contraire, se penchent sur la question.


Aude Reco

Aude Reco est une autrice de romance et SFFF.


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Le consentement dans la romance

15 réflexions sur “La Dark Romance

  1. Lordy Coconut dit :

    « Et d’autre part, il convient de rappeler la définition du fantasme en psychologie, qui est la manifestation consciente ou inconsciente d’un désir, ou une fixation mentale pouvant conduire à des actes excessifs » Emphase sur le « pouvant ». Parce que si « pouvant » suffit à condamner les fantasmes, tous les pratiquants du SM sont de dangereux criminels en puissance (dois-je rappeler qu’une bonne partie des roleplays sado-masochistes jouent sur le non-consentement sexy… ?).

    Et ne parlons pas des victimes de viol qui ont un fantasme de viol quand même (et qui existent, oui). C’est sans doute la manifestation inconsciente de leur désir qui les pousse à lire et apprécier ces textes. Sans doute qu’elles l’ont cherché, poussées fatalement à un acte excessif par leur fantasme. Quant à tous les textes qui traitent d’inceste façon glamour, c’est le signe éclatant que notre société est à deux doigts d’une épidémie d’inceste généralisée.

    Je trouve ce ton accusateur carrément malsain. Les fandoms sont devenus des lieux carrément dangereux pour les jeunes vulnérables justement à cause de la chasse aux sorcières qui est faite sur les fantasmes « inacceptables » (je pense par exemple à ces victimes de viols qui ont été acculées et insultées dans un salon sur le Sherlock Holmes de la BBC, à ces fans qui ont fait des tentatives de suicides ou, moins gravement, quitté les fandoms à jamais parce qu’on les accusait d’être des violeur.se.s en puissante, etc). Je vais poster en anonyme sur cet article parce qu’avoir les « mauvais fantasmes » peut signifier s’attirer une armée de « haters » outrés dans ce contexte actuels.

    A mon sens, à partir du moment où un truc s’appelle « dark romance », le warning est là. Si « Lire que l’héroïne est kidnappée, torturée par l’homme dont elle tombera amoureuse ne reflète absolument pas le caractère violent, malsain et insidieux des propos et de la mise en situation » pour un.e lecteur.rice, je… A quoi s’attendait la personne ? A ce que l’héroïne soit kidnappée et torturée au sens doux, sain et franc du terme ?

    Qu’il puisse être pertinent qu’on y ajoute des avertissements quant au contenu est une suggestion très pertinente, qui devrait être implantée dans plus de livres. Mais dire qu’aimer la dark romance (le genre avec dans son nom « dark » = sombre = MALSAIN et MAUVAIS), c’est se désensibiliser aux problématiques de la vie réelle, c’est comme dire que les fans de GoT poignarderaient tous leur ami pour une promotion de chef de rayons, que les fans de dark fantasy sont des tueurs en série, que les rôlistes qui jouent des « méchants » sont à deux doigts de tourner dangereux criminels, que tous les gens qui aiment les « méchants » de fictions sont des êtres malsains (vite, fichons tous les spectateurs de Suicide Squad !). C’est « glamourisé », oui ; mais c’est ce que cherche la personne qui consomme. Elle veut un exutoire, une façon de vivre des fantasmes inaccessibles car malsains dans la vie réelle. Un exutoire. Une façon de digérer/expulser des envies.

    La condamnation de la dark romance me semble rejoindre ce délire platonicien de ne permettre que les œuvres Saines Parce Que Le Lecteur Est Trop Sensibles. Quid de la musique métal, violente et bruyante, qui fait l’apologie de la violence (et qui est plus consommée par… les bons élèves sages, parce qu’elle les détend) ? Quid du fait que les œuvres violentes et/ou sexuelles n’ont jamais été aussi consommées dans notre société… qui n’a jamais été aussi peu violente ? Oui, si une romance est étiquetée simplement « romance » et contient du viol, de la manipulation, etc, ça risque de donner un mauvais exemple à un.e lecteur.rice naïf.ve. Mais à partir du moment où il y a écrit « dark romance », l’avertissement est donné. Il n’y a rien à absoudre, rien à dédouaner. C’est du fantasme, et personne n’a à venir m’enguirlander pour mes fantasmes tant que je ne les inflige pas à autrui.

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    • Aude Réco dit :

      Bonjour Lordy,
      « Dois-je rappeler qu’une bonne partie des roleplays sado-masochistes jouent sur le non-consentement sexy… ?). » Dans votre phrase, il y a « jouent », ce qui n’est vraisemblablement pas le cas de la Dark romance, où l’homme exerce une forme de domination qui ne laisse aucune place au jeu ni au plaisir. (Car je rappelle que ne pas se défendre et/ou jouir n’équivaut pas à prendre du plaisir.)
      Ensuite, je n’ai jamais écrit que les lecteurs/trices de Dark romance sont des psychopathes en puissance. Je ne dis pas non plus qu’il est mauvais ou malsain d’avoir ce genre de fantasmes, seulement dangereux pour la cause féministe (entre autres) de les sortir de leur contexte. Pour moi, viol et romance ne vont pas ensemble.
      Ensuite, je n’ai pas non plus écrit que les lecteurs/trices de Dark romance se désensibilisent aux problématiques de la vie réelle, pour reprendre votre propos, seulement que cela participe à la banalisation de ces violences.
      Enfin, oui, je persiste en disant qu’il y a une différence entre le langage adopté dans une quatrième de couverture et celui du narrateur. De même qu’il existe une différence entre un auteur et un autre, qu’on appelle le style, et dont certains feront usage de manière plus crue ou plus retenue.
      Enfin, je n’enguirlande personne.

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      • Lordy Coconut dit :

        Bonjour,

        Oui, dans ma phrase sur le BDSM, il y a « joue ». Et dans « dark romance », il y a le nom de « dark » (=> un genre reflétant une vision sombre et imaginaire de la réalité) et « romance » (=> un genre présentant un récit romantique imaginaire). Lorsque la.e Dominant.e et sa.on Soumis.e jouent un interrogatoire, mettent en scène une humiliation publique dans un Donjon ou feignent une punition, croire à l’atmosphère instaurée est très important… sur le moment. Pourtant, à côté, le consentement et la sûreté sont d’autant plus mis en avant (safeword, négociations, feedbacks, etc). De même, lorsque la.e lecteur.rice lit une dark romance, il.le se ménage une parenthèse fictive dans la réalité. C’est un jeu de « faire semblant », comme la Séance BDSM, quand elle implique un roleplay, est un jeu.

        Bien sûr, le héros fictif de la dark romance n’est pas dans une relation SM explicite avec l’héroïne fictive de la dark romance. Le vernis d’éloignement, de fiction est déjà mis en place. Lorsque Gengoroh Tagame publie ses récits SM (dans des magazines gays qui peuvent contenir des récits pornographiques comme romantiques), bien peu contiennent une relation sado-masochiste explicite : le fantasme est justement dans l’idée que les faits fantasmés (races d’esclave, soumission joyeuse sous le non-consentement, etc) soient « réels » dans l’univers fictif qu’il décrit.

        Dans la dark romance, la.e lecteur.rice veut voir le dysfonctionnement. Il.le cherche l’exutoire et la catharsis d’une relation malsaine. Dans la vie réelle, ne pas se défendre et/ou jouir n’équivaut pas à prendre du plaisir, mais dans le monde du fantasme, ça l’est *parce que c’est ce que la.e consommateur.rice attend et désire* (l’héroïne étant souvent un « insert » où l’on est supposé se projeter pour vivre les événements avec elle). De même que la.e lecteur.rice des séries de romance accepte que tous les personnages soient beaux et tous éternellement aimants, une improbabilité statistique, de même la.e lecteur.rice de dark romance pose le présupposé (conscient ou non) que le récit se passe dans un univers alternatif où la violence est une forme d’érotisme et de séduction. Je repense à ces bandes dessinées qui soulignaient que le comportement de bien des héros de romance semblerait angoissant ou oppressant imités par un homme moins beau. C’est exactement ça : le héros de dark romance n’est pas un homme réel, c’est un homme d’une race fictive.

        Le terme de Dark Romance est-il le plus approprié ? Dans la mesure où il y a romance (même condamnable ou improbable), oui : une romance est une romance. Le « dark » (sombre/tordu/malsain ; rappelons que « dark » est utilisé Outre-Manche pour désigner les versions sombres et distordues de quelque chose, comme les « dark Dinsey princesses ») contextualise. C’est une version distordue de la réalité. Je regrette la « dark romance » lorsqu’elle se nomme romance tout court (Twilight, Fifty Shades of Grey). (Ensuite, il y a peut-être des termes plus appropriés, mais lesquels ? Dark relationship with a semblance of intimacy but which is condemnable in a real-life setting ? Disons que c’est moins vendeur.)

        Ensuite, pour reprendre vos propos : « je n’ai pas non plus écrit que les lecteurs/trices de Dark romance se désensibilisent aux problématiques de la vie réelle […] seulement que cela participe à la banalisation de ces violences. » Je ne comprends pas la différence entre les deux concepts ? Lorsqu’un concept se banalise, on y est désensibilisé.e et vice-versa. C’est équivalent. Et là encore, je trouve cette idée douteuse. Comme je le disais, les taux de viol sont les plus bas dans les régions où la pornographie est légale (pornographie dont nous connaissons le traitement des femmes). De même, les problématiques de viol conjugal et de l’« enthusiastic consent » s’élèvent alors que la consommation de pornographie (y compris la pornographie « problématique ») n’a jamais été aussi haute chez les femmes qui, loin d’être désensibilisées, découvrent au contraire de nouveaux sujet de bataille.

        Quant à la « différence entre le langage adopté dans une quatrième de couverture et celui du narrateur »… Nous devrons « agree to disagree ». Je pense qu’au bout d’un moment, c’est une affaire de bon sens. Si je sais grâce au résumé que l’histoire est centrée sur une héroïne violée par un héros, soit je n’achète pas, soit je demande à un.e ami.e moins sensible de feuilleter et me confirmer la violence du langage. Au bout d’un moment, le.a lecteur.rice doit prendre ses responsabilités : si on l’avertit d’un contenu sensible, il.le ne peut s’en prendre qu’à el.lui-même d’avoir acheté sans vérifier qu’el.lui le tolérait.

        Merci néanmoins d’avoir édité le titre de votre article.

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  2. Marina dit :

    Je suis entièrement d’accord avec Lordy Coconut : le ton accusateur est malsain et le warning est justement présent dans l’appellation du genre : DARK ROMANCE.
    Cette manière de chercher à « culpabiliser » les lectrices appréciant la Dark Romance, en les associant au « Culte du viol »… en les infantilisant en leur disant « Vous croyez faire la part des choses, et ben… pas vraiment »…. Et en les accusant presque de banaliser des problèmes tels que le viol, l’enlèvement, etc…. jusqu’à se demander jusqu’où les lectrices vont accepter et dédouaner….
    Je suis atterrée …. et encore plus en constatant qu’un auteur de romance puisse cautionner ce « procès » d’un genre de la romance (ne vous en déplaise)…. Incroyable !

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    • Aude Réco dit :

      Bonjour Marina,
      Mon but n’était absolument pas de culpabiliser les lecteurs/trices de Dark romance, mais bien de m’interroger sur les issues de ce genre de livres, notamment parce que je lis souvent des lectrices de Dark romance qui cautionnent les pratiques décrites dans ces bouquins. Certain(e)s sont bien conscient(s) de ce qu’elles soulèvent, mais d’autres non, et j’ai été très étonnée du nombre de ces personnes. Mais ça se saurait si la Dark romance banalisait à elle seule le viol et les violences sur les femmes. C’est un tout.

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  3. Juliette dit :

    Excellent article, dont je partage la sensibilité face à ce qu’on nomme la dark romance.
    Je n’y ai pas lu de stigmatisation, plutôt des interrogations sur les limites « morales » que les consommatrices de ces lectures étaient prêtes à se fixer.

    A titre personnel, il me paraît étrange de ne pas placer des warnings clairs, comme on le fait pour les produits pornographiques ou violents (vidéo ou littéraires).
    Si on part du principe que leurs clients doivent en être avertis, je ne vois pas au nom de quel principe de sagesse innée de son lectorat, celui de la DR ne devrait pas lui aussi être mis en garde.

    Après tout, il s’agit d’un contenu pour adulte averti contenant des scènes de violence, de tortures physiques ou psychologiques, de sexe, et présentant des actes criminels impunis (qui se soldent par un happy-end, quand même).
    D’un point de vue morale, c’est déjà limite, d’un point de vue légal, n’y a-t-il pas un risque d’y voir une sorte d’apologie de la violence domestique ?

    Dès lors, puisqu’on se pose en défenseur de la moralité lorsqu’il s’agit de pornographie ou de la violence dans leur genre inhérent, pourquoi la dark romance échapperait-elle a ces questionnements et éviterait-elle comme par magie les risques pris par un public « perméable » aux idées véhiculées ?

    Tout le monde n’est pas armé de la même façon face à un texte dont la « force » psychologique peut perturber.
    L’âge, l’expérience et la maturité du lectorat sont difficilement vérifiables, il n’y a pas de flic derrière chaque lecteur, il n’y a pas toujours de parent derrière tout lecteur mineur.
    Il s’agit pour chaque acteur (auteurs, éditeurs, lecteurs) de prendre ses responsabilités et d’accepter qu’on s’interroge sur un thème qui n’a rien d’anodin.

    Il ne s’agit pas d’interdire la dark romance, mais bien de s’interroger sur le message qu’elle peut diffuser, d’autant plus si on normalise ce schéma relationnel.

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  4. fermand dit :

    Article intéressant sur un genre que je ne connais pas. Pourtant, il rappelle un peu trop la vieille position de Platon : la fiction est condamnable parce qu’elle fait prendre pour vraies des choses fausses… Qu’on retrouve à d’autres époques dans la figure de don Quichotte, de madame Bovary, ou dans le sujet favori des journalistes à deux balles : les jeux de rôle rendent les jeunes tarés et violents…

    Que proposez-vous, que demandez-vous ? Il faudrait arrêter d’écrire ce genre de livres ? Les interdire ?

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    • Kate Lyna dit :

      Arrêter d’écrire là-dessus et/ou les interdire, sûrement pas. On devrait tous pouvoir écrire et lire sur tout. Du moment qu’on SAIT à quoi s’attendre. Et c’est bien ce que demande Aude dans la partie « Les lectrices savent ce qu’elles lisent » de son article, justement 😉 Qu’il y ait ce qu’on appelle des « trigger warning » pour indiquer clairement ce que contient les livres et ainsi savoir dans quoi on plonge. Le procédé est utilisé pour les jeux vidéos, grâce à de petits icônes suffisamment explicites pour être compris par tous, pourquoi pas les livres ? Milady le fait d’ailleurs sur certains de ses bouquins maintenant. Ce serait bien que ce soit fait sur tous 🙂 (pas que la dark romance, d’ailleurs)

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  5. C.S. Ringer dit :

    Je suis d’accord avec cet article et assez étonnée des réactions dans les commentaires.
    Bien sûr qu’on ne va pas interdire d’écrire ou de lire de la dark romance, mais ce que je reproche dans ces romans, c’est le fait que l’auteur.rice renvoie comme sexy des comportements malsains et que les personnages soient séduits par lesdits comportements que eux-mêmes ne voient pas comme dangereux. Il m’est arrivé de lire des histoires où l’héroïne se dit « j’adore les mecs dangereux, ça pimente le jeu ». À aucun moment l’auteur.rice n’insinue qu’une attitude, un acte répréhensible et condamnable dans la vraie vie l’est également dans son roman, c’est au contraire une preuve de virilité qu’on nous vante comme « séduisant ».
    J’aimerais faire un point sur le BDSM, puisque visiblement peu en connaissent les tenants : le BDSM est une pratique codifiée, avec des règles à respecter et surtout les joueurs s’assurent que leurs partenaires sont consentants à tout moment. La soumission, la violence sont voulues dans le cadre d’un jeu sexuel, mais ils peuvent à n’importe quel moment arrêter ou ralentir la cadence. La différence avec l’agression sexuelle tient en deux mots : le consentement.
    Évidemment que les lecteur.rices de dark romance savent faire la différence entre l’agression et le fantasme, ce qui m’ennuie profondément c’est qu’à travers ces récits où l’homme force la femme à se soumettre à ses désirs (qu’il s’agisse de kidnapping, de viol, de chantage etc.), l’auteur.rice distille dans l’inconscience l’image glorieuse du bad boy sombre et malsain comme un critère de séduction valable, et cela sans préciser que c’est justement malsain.
    Non, je ne suis pas contre la dark romance. Mais le terme « romance » me paraît trompeur.

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  6. Lily H. Kitling dit :

    « Or, d’une part, on sait à quel point le fait qu’une victime ait pu quand même éprouver du plaisir dans un acte de viol est déstabilisant pour elle. »

    « Déstabilisant » est très léger ! J’aurais dit plus volontiers « traumatisant et extrêmement culpabilisant ». Les témoignages ne font aucun doute là-dessus.

    Excellent article, merci pour ce petit point. Le sujet mériterait bien d’être développé davantage x’)

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  7. DemyNotebook dit :

    Bonjour,
    Je suis désolée, mais en tant que lectrice de romance, horreur, young adult et aussi dark romance, je me devais de réagir.

    Déjà, pour commencer, avez-vous déjà lu des livres de Dark Romance ? Il ne s’agit pas toujours de ce que vous décrivez. En effet, Heartless T1 : Mercy ainsi que With you sont des Dark Romance où certes, on aborde des sujets très sombres, mais pas forcément entre les personnages, au niveau de leur relation. La fille n’est pas qu’une pauvre potiche qui dit oui au viol, et à son violeur. Loin de là. Je vous invite à lire les résumés pour ça. D’ailleurs, même s’il est souvent question de viol, ce n’est pas toujours le cas ! C’est aussi parfois une violence « seulement » psychologique comme on en voit dans les livres d’horreurs. Cette violence psychologique, et parfois physique, on les retrouve dans d’autres livres, tels que ceux de Maxime Chattam, Stephen King, et pour l’apothéose, on peut aussi parler du canadien Patrick Sénecal. Sachant que je ne leur fait pas un procès, car j’adore leurs écrits. Simplement, qu’est ce qu’il y a de différent là-dedans ?

    Pour continuer, quand vous parlez de culture du viol, sachez que je sais ce que c’est, que je suis contre, et que les lecteurs et lectrices de Dark Romance ne sont pas des arriérés ou des psychopathes qui entretiennent cette culture. Loin de là. Cette problématique de ressentir de l’envie pendant le viol est d’ailleurs levée dans le livre With you de Maryrhage et Amheliie. Et elle n’est pas bien accueilli du tout d’ailleurs ! Même si le livre met en avant le fait que la relation des deux protagonistes n’a pas été normale puisqu’ils étaient tous deux adolescents, séquestrés, tombés amoureux. Le problème était ici que les deux adolescents avaient subis des tortures et ont été obligé d’en faire à la personne en face pour survivre, et qu’ils ont finit par être amoureux l’un de l’autre. Où est la culture du viol ?
    Sincèrement, je vous invite à lire ce livre.

    Ensuite je ne suis pas d’accord quand vous dîtes que la dark romance transforme notre perception des choses. Je ne trouve pas les comportements que je peux lire acceptables. Je sais ce que je lis, je sais faire la différence entre réalité et fonction. En dehors des thrillers, car j’estime que Hell.com ainsi que Le Vide de Patrick Sénecal ne sont pas des thrillers. (Si vous ne connaissez pas, ce ne sont pas des dark romance non plus, très loin de là, on est plutôt dans l’horreur pour l’horreur.) Ces deux livres parlent de viol, de séquestration, de pédophilie, de torture, et du fait de jouer avec des humains pour les tuer. Les gens réussissent à faire la différence entre la réalité et ce qu’ils lisent, bien heureusement d’ailleurs. Pourtant, dans Hell.com, en réalité, il n’est que question de quelque chose que certains d’entre nous utilisent au quotidien, ou ont été voir quelque fois par curiosité, c’est une sorte de deep web sur lequel on trouve des tueurs à gage, des ventes d’armes, des ventes de personnes ! Est ce que pour autant, ces lecteurs sont partis installés le Deep Web quite à tuer leur pc ? Est ce qu’ils se sont dit que c’était peut-être normal entre guillemet de payer pour tuer des gens ? Non, bien sûr que non. De plus, dans chaque livre, il y a toujours une dénonciation, plus ou moins ressentie. Que ce soit dans les livres que je viens de vous citer, ou dans ceux de dark romance. Nous sommes des lecteurs, nous savons faire la différence entre la fantasy et la réalité, entre la chick-lit et la réalité, entre l’horreur et ce qui est vrai, entre la dark romance, et la réalité ! On ne cautionne pas pour autant ce qui se passe dans nos livres. Bien heureusement. Ce ne sont que des lectures. Pourquoi dans ce cas, est ce qu’on n’interdit pas également les jeux vidéos qui montrent dans certains cas la sexualité, les courses de voiture, la guerre ! GTA en est le parfait exemple. Nous sommes des millions de joueur dans le monde. Jusqu’à preuve du contraire, je suis une trouillarde de la route, et je ne me suis pas mise à écraser tous les gens qui passent près de mes roues ! Je n’accepte pas non plus les courses de voiture en pleine rue. Je n’ai que 21 ans, mais je ne suis pas irresponsable ni idiote, et je ne suis encore moins une enfant. Je sais ce que je lis, j’en suis parfaitement consciente, contrairement à ce que vous écrivez en disant « oui, mais non ». Il n’y a pas de mais.

    Ensuite, je suis désolée, mais si le lecteur ou la lectrice ne sait pas ce qu’il lit, c’est qu’il n’y a pas eu une grande recherche à côté. Certains livres mettent l’appellation Dark Romance dessus, qui est tout de suite un moyen de montrer de ce qu’il y a dans le livre, de mettre un avertissement ! Certains livres le mettent d’ailleurs en inscrivant un moins de 18, ou un espèce de warning. De plus, faîtes quelques recherches sur internet et vous saurez que le livre que vous avez entre les mains est une dark romance. Un petit tour sur une chronique de blog, ou alors sur des sites comme Booknode et Livraddict qui mettent un /!\ DARK ROMANCE /!\. C’est également aux personnes de se renseigner. Bien sûr que vous ne laisserez pas ce genre de livre entre les mains d’une enfant de 13 ans si le bon sens vous en dit, heureusement. Pourtant on m’a mis Moi, Christiane F, 13 ans, droguée et prostituée entre les mains. Je vous rassure, je ne me suis jamais ni droguée, ni prostituée ! Et j’ai réussi à me poser les bonnes questions devant ce qui était pourtant un témoignage. Lorsque c’est un témoignage, là je suis d’accord, ce n’est pas seulement un livre. Mais dans la dark romance, il n’y a aucun témoignage, ce sont des histoires inventées par des auteurs. La romance érotique ne dérange personne alors qu’on n’évoque que rarement le consentement des personnages, comme si ça tombait sous le sens, alors que la dark romance est vue comme Satan.

    La dark Romance est loin d’être un genre « à la mode » étant donné toutes les problématiques qu’elles posent au sein des communautés de lecteurs. Et vous me pardonnerez, mais si, une dark romance, si on ne s’intéresse pas au fond, si on en fait juste une simple lecture, comme vous liriez Harry Potter, ce n’est rien de plus qu’un livre. C’est à chacun ensuite d’en tirer ses conclusions et de se questionner lui-même. Un thriller n’est rien de plus qu’un livre, qu’il parle d’attentat, de meurtres ou autre.

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    • Lily H. Kitling dit :

      Bonjour 🙂

      Je réagis à ton commentaire, car j’ai l’impression que tu te sens personnellement « attaquée » par le contenu de cet article. Si ce n’est pas le cas, tant mieux, mais c’est le ton qui ressort, alors je me permets de répondre quand même 🙂

      L’article parle du genre de la dark romance de manière générale, en pointant la majorité des romans de ce genre. Tu interviens en disant « non, il y a tel et tel livres qui ne sont pas ce que vous dites ». Je pense que tu peux reconnaître que ce n’est pas en donnant quelques contre-exemples que ça invalide pour autant les généralités exposées dans l’article. 😉 Heureusement qu’il y a de vraies dark romance qui abordent leurs thèmes de manière sérieuse, et tant mieux que tu sois tombée dessus dans tes lectures ! Mais le fait que ce n’est pas la majorité des livres du genre qui sont ainsi, et c’est ce que critique en partie cet article. ^^

      Comme tu parles ensuite des lecteurs, il y a une série de 3 articles sur ce blog, « De toutes façons, les lecteurs savent bien faire la différence entre un livre et la vraie vie » (https://weneedmoresafesexbooks.wordpress.com/2015/12/04/de-toute-facon-les-gens-savent-bien-faire-la-difference-entre-un-livre-et-la-vraie-vie-13/), je t’invite à les lire car ils expliquent de manière posée en quoi cette distinction est bien moins évidente pour beaucoup de gens que tu le crois. Tant mieux si ce n’est pas ton cas, et ce sera le dernier point de ma réponse : en sciences, de manière générale (que ce soit les sciences dures ou les sciences sociales), quand on fait une analyse, l’expérience personnelle ne vaut rien. C’est comme ça 🙂 On ne peut pas invalider une donnée, un résultat, en disant « moi, je ». Que toi, personnellement, tu sois capable de faire la différence, de prendre le recul nécessaire pour analyser les problèmes d’un livre, d’une histoire, d’un fait, et que tu saches quel comportement est le plus adapté dans la réalité, tant mieux !! Heureusement ! Mais le fait est que tu n’es qu’un exemple, et quand on fait des généralités, on ne s’occupe pas des exemples mais de la majorité. 🙂 Donc, tant mieux, c’est bien que tu sois capable de lire et de vivre en faisant clairement la distinction, et en ne te laissant pas influencer par les mauvais messages qu’on peut trouver dans les histoires sous le vernis artificiel du « mais ce n’est qu’un livre ». Mais tu es loin d’être représentative des lecteurs de manière générale… et c’est bien pour ça que cet article a été rédigé : le but est bien de faire prendre conscience d’un problème à ceux qui ne le voient pas. En passant, un autre article sur ce blog qui explique pourquoi c’est important de présenter les bons messages dans les livres : « Le rôle d’un livre est-il d’éduquer ? » (https://weneedmoresafesexbooks.wordpress.com/2017/06/13/le-role-dun-livre-est-il-deduquer/)

      Toi, tu sembles avoir la chance de posséder un esprit critique et de trouver de bonnes (rares !) lectures. Et pour les deux, ce n’est malheureusement pas le cas de tout le monde !! :’)

      Pour finir, merci pour les références de livres que tu mentionnes, je les note. ^^

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  8. Lyanna dit :

    Tout à fait d’accord avec ton billet. Une romance peut-être sombre sans qu’il y est viol ou autre chose de dégradant. Sans compté la position très dégradante pour les femmes en générale, je ne comprends pas ce qui séduit. Mais à mon avis, nous avons toute été élevée dans une culture un peu machiste qui nous incite à trouver des comportements violents comme étant excitants et romantiques.
    La plupart des héroïnes de ses romans pensent dangereusement que l’amour fera changer le gars. Dans la réalité, il faut pas se leurrer concernant les chiffres des violences conjugales, beaucoup de femmes pensent faire changer leur amoureux. Merci qui ? Merci cette société qui nous lave le cerveau avec des romances malsaines dans les livres, les séries, les films, l’histoire, bref c’est à tout les niveaux.
    C’est ce qui se produit souvent dans la réalité d’ailleurs. Personne n’a à se justifier de ses goûts en lecture mais parfois, il faut savoir voir le côté problématique d’une histoire.
    Je vois beaucoup de réactions qui se plaignent du ton « moralisateur » ou qui se sentent peut-être visée pour je ne sais quelle raison et ça confirme bien ce phénomène malsain. Personne ne verra jamais à quel point certains sujets peuvent être problématiques et se contenterons juste de lire « oh il l’a torturé et violé mais c’est pas grave, il l’aime… » au lieu de regarder plus loin.

    Que vous le vouliez ou non, les livres influencent les gens. Ca a été prouvé par de nombreuses études, alors oui des lectrices peuvent savoir que ce n’est pas la réalité et blabla mais peuvent inconsciemment normaliser certains comportements violents des hommes. Parce qu’on est dans un environnement assez sexiste même en France et que la « Dark Romance » n’arrange pas grand chose et ne montrera jamais des femmes maîtresse de leur sexualité.

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